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Défis et opportunités de durabilité dans le secteur des boissons en Afrique SLIM Othmani IFU Africa Ambassador

L’Afrique se trouve aujourd’hui à un carrefour décisif dans sa quête pour atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD). Le continent est confronté à des défis indéniables : le changement climatique intensifie les sécheresses et les inondations, la gestion des déchets d’emballages reste embryonnaire, les écarts de financement sont considérables et les cadres réglementaires souvent imprécis. Pourtant, l’Afrique est aussi un espace de résilience et d’innovation, où gouvernements, entreprises et communautés comprennent de plus en plus que la durabilité n’est pas une option mais une condition essentielle à la croissance future.

En Afrique du Nord, les producteurs de boissons ont franchi une étape pionnière en lançant des programmes volontaires de Responsabilité Élargie du Producteur (REP) pour traiter les déchets d’emballages post-consommation. Sous l’égide d’associations nationales, comme l’APAB en Algérie, les entreprises mutualisent leurs ressources pour créer des éco-organisations collaborant avec les ministères, les bailleurs internationaux et les cabinets d’audit. Ces initiatives, encore fragiles, incarnent le principe selon lequel la responsabilité portée par l’industrie peut précéder la réglementation et progressivement transformer les habitudes de consommation et les écosystèmes de recyclage.

Plus au sud, des pays comme le Nigeria illustrent à la fois l’ampleur des opportunités et le poids des barrières structurelles. La création de l’Association Nationale des Producteurs, Transformateurs et Commerçants d’Agrumes (NCIGPMAN) a mobilisé plus de 500 000 acteurs dans 20 États. Leur agenda — promouvoir l’agriculture durable, autonomiser les femmes et les jeunes, et relier la production locale aux marchés mondiaux — démontre comment l’organisation sectorielle peut devenir un vecteur de croissance inclusive. Cependant, le manque d’infrastructures, l’accès limité au financement et l’insuffisance des capacités de recherche freinent encore la transformation.

L’écart de financement demeure l’éléphant dans la pièce. Selon la Commission Économique des Nations Unies pour l’Afrique, le continent aura besoin de plus de 400 milliards de dollars d’ici 2030 pour se conformer aux exigences ESG et ODD. Combler ce déficit suppose l’implication active des gouvernements, des banques locales, des institutions mondiales et des investisseurs privés. Les partenariats avec la Banque mondiale, la Banque africaine de développement ou encore la BERD ne sont pas seulement souhaitables, ils sont indispensables pour démultiplier les initiatives existantes et leur donner une portée continentale.

Électrification, IA et infrastructures numériques. L’un des défis les plus pressants pour la durabilité en Afrique reste l’électrification des industries et des communautés rurales. Les pénuries d’énergie limitent la croissance économique et compromettent les progrès dans des domaines clés comme la chaîne du froid, le traitement de l’eau et le recyclage des emballages. L’intelligence artificielle peut devenir un levier de transformation : optimisation de la distribution dans des réseaux fragiles, réduction des pertes, prévisions de la demande et intégration des énergies renouvelables à grande échelle. Mais l’IA elle-même exige une infrastructure robuste. L’implantation de data centers régionaux n’est plus un luxe mais une nécessité, à la fois pour héberger localement les applications basées sur l’IA et pour soutenir la digitalisation industrielle. Sans ces infrastructures, l’Afrique risque de rester consommatrice de technologies importées au lieu d’être productrice de valeur ajoutée. Des data centers durables, éco-efficaces et alimentés par les énergies renouvelables pourraient devenir l’épine dorsale d’une nouvelle ère industrielle, en stimulant l’innovation locale et en consolidant la compétitivité mondiale.

Malgré ces obstacles, le paysage de la durabilité en Afrique est dynamique. Des plateformes de recyclage volontaires au Maghreb aux associations d’agriculteurs en Afrique de l’Ouest, en passant par l’intégration des énergies renouvelables en Afrique australe, la direction est claire : la durabilité émerge comme une responsabilité partagée à l’échelle des sociétés. Ce qu’il reste à faire : accélérer la coordination, mobiliser les financements et amplifier les succès — afin que le continent non seulement atteigne ses objectifs, mais les redéfinisse à l’image de son dynamisme démographique et de sa richesse écologique unique.